accueillivrecontact

Mai 2007

9ème étape de notre tournée


Rencontre avec Mauricio Kartun dans l’immense théâtre Regina, un dimanche avant une représentation.

Comment t’es-tu dirigé vers le milieu du théâtre ?
Je suis arrivé au théâtre en passant par la littérature. J’étais encore très jeune et je pensais que l’écriture narrative (« narativa ») était mon destin, que je passerais ma vie à écrire des romans, des nouvelles et des contes. Un jour un professeur m’a dit que mon écriture pêchait au niveau des dialogues et que le meilleur exercice serait d’écrire du théâtre J’ai donc commencé a écrire du théâtre et là j’ai découvert 3 choses : Premièrement que c’est un processus créatif passionnant ; deuxièmement que c’est beaucoup plus amusant que d’écrire un roman car ça se fait avec d’autres personnes – a cette époque j’avais 25 ans et l’appel de mes hormones était très fort, et donc travailler dans un lieu ou je pouvais trouver une fiancée était quelque chose d’important !- ; troisièmement que le théâtre est très amusant, divertissant, on fait rire les gens, beaucoup plus qu’avec un livre.
Ce fut en 1970 et depuis lors j’écris du théâtre

Tu écris une pièce pour qu’elle soit lue ? Pour qu’elle soit jouée ? Ecris tu pour des comédiens ?
Quand j’écris je pense beaucoup au comédien. Je n’écris pas pour qu’elle soit jouée mais je pense beaucoup a « la bouche de l’acteur » qui est je pense une forme d’expression qui requiert du rythme, certaines sonorités… J’écris pour les corps.

Etre a la fois dramaturge et metteur en scène est-ce une nécessité pour toi ?
Non. A vrai dire je suis un jeune metteur en scène, ça fait très peu de temps que je me suis lancé. J’ai mis en scène 3 spectacles dont les deux derniers sont des pièces que j’ai écrites.
J’ai longtemps travaillé selon la méthode normale, j’écrivais une pièce puis je cherchais un metteur en scène pour la monter. Pendant cette période j’ai étudié la mise en scène, la direction d’acteurs. Cela constitue d’ailleurs pour moi une formation plus importante que celle que j’ai suivi en dramaturgie.
Mais je n’avais pas encore envie de m’investir dans une telle tache : d’y consacrer toute l’énergie que ça suppose : l’énergie en temps, l’énergie créative et aussi l’énergie sociale car il faut soutenir tout un groupe dans ses angoisses, ses indécisions,
Il y a quelques années je me suis décidé car j’ai senti que la mise en scène était une zone passionnante et complémentaire a l’écriture. Et puis aussi car passer mes journée devant un ordinateur commençait a m’ennuyer.

Comment te définirais-tu comme dramaturge ?
S’il y a quelque chose qui caractérise ma production c’est qu’aucune pièce ne ressemble à la précédente. Par exemple je n’avais jamais écrit en vers avant EL Nino argentino. Je ne m’étais pas non plus intéressé à l’esthétique du gaucho…
Afin de prendre du plaisir dans le travail, j’essaye que chaque pièce soit différente, que je ne me répète pas. Du coup ça m’est très difficile de définir ma poétique. Je te dirais que c’est une poétique fondamentalement très personnelle construite autour d’obsessions personnelles et de goûts personnel,

Comment choisis tu tes comédiens ?
Quelque fois par hasard/ intuition et quelque fois de façon plus réfléchie, plus travaillée.
Osqui par exemple je l’avais vu jouer avec un groupe « la banda de la risa » ( la bande du rire) qui fait de l’humour. Je l’ai choisi car il avait un physique intéressant mais surtout pour ses qualités pour travailler l’humour. Pour Mike je l’ai choisi sur audition. Ce n’était pas une audition ouverte a tous mais aux comédiens que j’avais convoqués. Je l’avais vu travaillé également auparavant et j’avais trouvé qu’il avait quelque chose de très attirant. Comme comédien Mike a un outil très malléable. Pour Maria Ines ce fut aussi une audition.

Quelles sont les qualités nécessaires à un bon comédien ?
Fondamentalement il faut qu’il soit un poète. Je ne crois pas aux paramètres traditionnels de vérité, de justesse, qu’on applique aux comédiens . Qu’est-ce que ça veut dire être vrai ? Bon si, réussir a manier certains codes du réalisme et du naturalisme… Ce sont des exigences qui sont aujourd’hui plus présentes pour la TV ou le ciné que pour le théâtre Moi j’aime les comédiens poètes, qui ont beaucoup de ressources. Des comédiens qui ont conscience que leurs recours sont des recours poétiques. Qui savent que certaines choses qu’ils font ne comportent pas nécessairement la vérité mais de l’histrionisme. Qui savent que leur corps est un grand outil. Ce sont ces comédiens que je trouve les plus intelligents.

Qu’est-ce que la vie d’un auteur, d’un metteur en scène a Buenos Aires ?
Ca fait environ 25 ans que je vis exclusivement du théâtre. Mais ça fait plus de temps que j en fais. Les dix premières années j’étais avoir un autre travail a coté. J’ai donc commencé a donné des cours. Et c’est la profession qui m’occupe le plus de temps et qui m’apporte une constance professionnelle. Car les pièces ça fait longtemps que j’en ai pas écrites et je peux rester six mois sans en monter ni écrire.
J’enseigne donc la dramaturgie.
Ma vie en ce moment est une vie professionnellement a l’aise, de la classe moyenne de Buenos Aires. Ce qui ne signifie pas que c’est le cas pour tout le monde. C’est une profession dans laquelle il est très difficile de commencer, de s’installer. Malgré tout Buenos Aires est le lieu de développement théâtral. C’est très étrange de voir que dans la capitale d’un pays sous développé comme le notre, un samedi soir il y a 260 représentations simultanément. Et ce qui est le plus curieux c’est de penser que la majorité de ces spectacles sont faits par des gens qui ne gagnent pas d’argent avec.

Pourquoi les représentations ont-elles toutes lieu le week end et jamais en semaine ? Certains théâtres ont uniquement 2 spectacles le samedi soir ?
Les théâtres officiels ont des représentations du mercredi au dimanche. Lundi et mardi sont traditionnellement des jours de repos.
Il y a très peu de représentations en semaine car on pense que le spectateur sort le week end et donc que ça n’a pas de sens de faire des représentations en dehors de vendredi a dimanche car il y aurait très peu de spectateurs .Les théâtres officiels s’en fichent car ils n’ont pas de souci d’argent.
Ici au théâtre Regina on commence le jeudi, mais on a des tarifs très bas ce jour la pour inciter les gens a sortir .

Quel est le public qui va au théâtre ?
Il y a différents groupes bien distincts. Il y a ceux qui vont aux théâtres officiels et qui jamais ne viendraient dans un théâtre commercial. Il y a ceux qui ne vont voir que les spectacles d’avant-garde et ne vont jamais voir du théâtre traditionnel.Ce sont les spectateurs des petites salles. Il y a ceux qui sont étudiants de théâtre ou comédiens et qui ont un circuit propre de spectacles qui les intéressent. Il y a enfin un public commercial.

Y a-t-il une forme de censure ? Le théâtre a-t-il le droit de tout dire ?
Il n’y a plus aucune forme de censure. Entre 1976 et 1983 pendant la dictature l’Argentine a passé des années très dures ou il y avait une forte censure et surtout une auto censure par sécurité.

Comment peux tu définir le théâtre en Argentine ?
C’est une passion curieuse. Il y a un nombre incroyable d’étudiants chaque année, un nombre incroyable de professeurs, un public très nombreux.
Je voyage beaucoup pour donner des cours. Et je trouve que le public ailleurs n’est pas très passionné, qu’il n’y a pas une production aussi forte. Je vais beaucoup en Espagne et je dois dire que leur théâtre ne m’enthousiasme pas beaucoup. Le comédien ne travaille pas si on ne le paye pas assez cher.
En Argentine le théâtre est une passion. Il possède quelque chose de sportif en tant que fait qui passionne. …

Donc travailler dans le théâtre est quelque chose de bien vu, de prestigieux ?
Si une fille de ton age dis a sa tante « je suis comédienne » celle-ci lui répondra « tu devrais étudier quelque chose de sérieux ». C’est prestigieux quand tout va bien, que tu gagnes bien ta vie, quand tu peux montrer que c’est un métier digne et que tu te transformes en intellectuel qui est comédien.
Il reste toujours les préjugés de superficialité, de personnalités dissipées.
Mais l’activité en elle-même a assez de prestige. Une personne de classe moyenne qui lit les journaux , même si ce n’est pas une spectatrice régulière, connaît les bons comédiens, metteurs en scène et auteurs, au moins de nom.

Quels sont les auteurs dramatiques argentins que tu préfères ?
Il y a un auteur phare, qui nous a tous inspirés : Armando Discepolo. Il a écrit entre 1920 et 1950 et a créé un nouveau genre :le grotesque criollo. Un genre qui nous a tous inconsciemment ou non, marqués.
Parmi les contemporains il y a mon maître Ricardo Monti qui est un auteur que j admire et qui m a aussi marqué, il y a également Roberto Cossa.
Dans la nouvelle génération j’ai la chance d’avoir quelques modèles parmi mes propres élèves/ disciples ! Daniel Veronese, Rafael Spregelburd, Alejandro Tantanian, Federico León... Ils ont entre 30 et 40 et sont des auteurs déjà installés et qui ont, selon moi, un talent incroyable.

Biographie mini :
Né a Buenos Aires en 1946.
Formation de comédien (A. Boal) et de metteur en scène
a écrit entre autres :
-Chau Misterix (80)
- Cumbia morena cumbia
- Pericones
- El partener
- Sacco y Vanzetti
- Son lejos de aqui
- El nino argentino
- La Madonnita

a mis en scène :
- E clásico binomio de Rafael Buzza et Jorge Ricci
- El nino argentino
- La Madonnita


Cliquez sur la photo
pour avoir un agrandissement
et sa légende

image
Mauricio sur la scène du Regina
image

decoCommenter la page Afficher les commentaires Il y a 1 commentaires actuellement


remonter
decoEnvoyer à un amiCommenter la page
Il y a 1 commentaires sur cette page