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Février 2007

6ème étape de notre tournée


Bunraku
Théatre National du Japon

La pièce : Sesshu Gappo ga tsuji


Le théâtre
Le théâtre national est immense et dispose de plusieurs salles, dans plusieurs bâtiments
La scène doit faire 10-12 mètres et cote cour ( a doite) il y a une avancée en diagonale où sont les chanteurs-narrateurs et les musiciens qui les accompagnent. Des oreillettes qui traduisent le spectacle sont a disposition pour 550 yens (bien utiles et très bien faites)
De part et d’autre de la scène il y a deux longs écrans horizontaux qui affichent les sous titres en japonais.
Avant la salle il y a le hall, assez grand avec beaucoup de bancs et de tables. Ca devient le réfectoire des spectateurs a l’entracte (car certains assistent a plusieurs programmes), ils y mangent leur bentos (boite repas) qu’ils peuvent même acheter sur place.
Un grand écran tv permet de suivre ce qui se passe dans la salle.

Il y a en général 3 représentations par jour :11h, 14h30 et 18h.
Il s’agit de 3 spectacles différents.
Les prix : entre 5700 et 1500 yens
Le spectacle commence vraiment à l’heure. Ce fut un problème pour moi qui ai mis du temps a trouver le bon bâtiment du Théâtre National ou se jouait le bunraku…Il y avait des panneaux d’indication mais tous en japonais, langue que j’ai encore du mal a lire !
Heureusement ils acceptent de laisser entrer les gens même quand le spectacle a déjà commencé.

Le public : Toujours principalement âgé, j’ai cru voir quand même plus de jeunes adultes a cette représentation qu’a celles de Kabuki et No.
La salle n’était pas pleine mais pas loin ( environ 400 pers)

Les marionnettes et les manipulateurs :
Les marionnettes doivent faire environ un mètre de haut. Il y a deux sortes de marionnettes :
- celles pour les personnages principaux , les Ningyo.
Elles sont manipulées par 3 personnes : Un manipulateur principal qui a le visage découvert et qui porte un cotume spécial . Il porte la marionnette, manipule la tête. Deux autres manipulateurs tout de noir vêtus, avec une cagoule noire sur la tête, manipulent chacun un bras a l’aide de baguettes( qu’on aperçoit a peine) , a l’intérieur des manches de la marionnette et qui permettent de bouger non seulement les bras mais aussi ses articulations.

- Celles pour les personnages secondaires ou figurants : les Tsume. Elles sont manipulées uniquement par un manipulateur en noir.

Les manipulateurs sont concentrés mais pas investis contrairement aux chanteurs. Leur qualité c’est plus leur grande technicité et leur écoute entre eux.
Il y a des manipulateurs vraiment très âgés. L’un d’eux n’a d’ailleurs plus de dents !

Les chanteurs-narrateurs et les musiciens :
Ce sont eux qui racontent l’histoire. Tantôt c’est de la narration chantée, tantôt ils prennent carrément en charge les dialogues. Un joueur de shamisen (instrument à 3 cordes) les accompagne systématiquement.
Le chanteur a un gros livre sur un pupitre ( kendai) devant lui et il lit l’histoire. Il commence son livre a la fin et tourne les pages de gauche a droite ( normal au Japon).
Il connaît souvent le texte par cœur et peut donc s’en dégager. C’est formidable comme ils mêlent les passages chantés, phrasés, parlés. Ils arrivent a opérer des transitions instantanées entre les paroles de chaque personnage. Ils sont très investis. Il n’y a pas la distance qu’on peut voir dans le No. Ils s’engagent émotionnellement dans chaque personnage : le chant devient pleur, rage, rires…
J’ai été véritablement très impressionnée par leur performance. Ils n’ont pas le corps pour s’exprimer mais font passer tout un tas d’émotions avec leur voix en jouant ou en chantant.
Cette forme de chant, de langage, s’appelle le Gidayu et est spécifique au Bunraku.
Le narrateur change plusieurs fois pendant le spectacle. Ce n’est pas étonnant vu la fatigue que ça doit engendrer et la concentration que ça demande.
Chaque nouveau chanteur et joueur de shamisen est présenté quand ils arrivent sur scène . Cette annonce formelle s’appelle le Kojo. On les applaudit à cette occasion.

Le décor :
A droite et a gauche de la scène il y a deux entrées couvertes d’un tissu noir a motifs blancs .
Très ingénieusement un pan de décor de 60 centimètres de hauteur se dresse horizontalement devant la scène sur toute sa longueur. De la ou on est cela donne l’illusion qu’il s’agit de la scène elle-même : il est décoré comme tel avec des dessins de graviers, un étang…
Les manipulateurs eux sont debout derrière , on ne voit donc que le haut de leur corps et ils font marcher leur marionnette sur l’arrête du pan. Les marionnettes sont alors aussi grandes qu’eux et on ne finit par ne voir qu’elles.
Sur le mur du fond sont peints un temple, deux cerisiers en fleur et une cabane en bambous.
Plus tard le décor change et apparaît une maison traditionnelle, très réaliste. Le mur face a deux grandes fenêtres qui nous permettent de voir dedans ( heureusement me direz- vous) , l’intérieur est vide. La maison est surélevée par rapport a la véritable scène ce qui permet encore une fois aux manipulateurs d’évoluer a l’intérieur sans qu’on ne voit trop le bas de leur corps. C’est très bien fait, il y a une grande profondeur ce qui permet de faire passer les personnages d’une pièce a une autre.

Cote cour, sur leur avancée en diagonale, le(s) narrateur(s) et le(s) musicien(s) sont entourés de 2 bougies électriques. Ils sont sur un petit plateau divisé par un panneau doré qui tourne et les fait disparaître en faisant apparaître un nouveau groupe de musiciens et chanteur.

L’histoire :
Cette pièce a été rarement représentée dans le passé , souvent interdite car elle montre l’amour scandaleux et incestueux d’une mère envers son fils.
Un thème incroyable, non ? Je ne m’attendais pas du tout à ce genre d’histoire, d’autant plus qu’elle est extrêmement riche en rebondissements.

Tamate-Gozen d’origine modeste est devenue la femme d’un grand seigneur (son ancien maître) or elle tombe passionnément amoureuse de l’un de ses beaux fils. Elle déclare cet amour interdit. Le fils déshonoré fuit la maison avec sa fiancée et se cache sans le savoir dans la maison des parents de sa jeune belle mère. Ces derniers ont entendu parler de l’histoire et pense que leur fille a été tué par son mari a juste raison ( ils sont quand même très peinés).
Mais en pleine nuit Tamate frappe a leur porte. Le père est tiraillé entre son devoir d’ancien samouraï , le respect qu’il doit a l’ancien maître de sa fille ( dont l’argent les a fait vivre) et son amour pour elle. Il devrait la tuer. Sa femme le calme.
C’est alors qu’apparaissent le beau –fils et sa fiancée. Tamate, folle d’amour se jette sur la fiancée et révèle a son beau-fils qu elle l’a empoisonné , qu’elle voulait qu’il ai la lèpre pour l’avoir a elle seule. Le père voyant sa fille ivre de rage n’a d’autre choix que lui enfoncer son épée dans le ventre. A ce moment Tamate prie qu’on l’écoute, elle veut s’expliquer. Son père ne veut rien entendre, elle l’a déshonoré, a trahi son mari et n’a pas été une bonne mère.
Tamate, mourante parvient a expliquer son geste : elle a appris qu’un autre de ses beaux-fils voulant plus de pouvoirs avait décidé de tuer l’aîné. Voulant protéger ses deux fils (l’un de son frère et l’autre du père s’il apprenait le complot) elle a feint d’aimer Shuntokumaru afin de l’éloigner de la maison et l’a rendu lépreux pour que son frère ne l’envie plus. Pour le guérir de la lèpre, il suffit qu’il boive dans le bol qu’elle tient un mélange a base de son sang a elle.
Elle a en fait provoqué sa mort afin de sauver sa famille.
Assez compliquée, torturée comme histoire.

Le spectacle en lui-même :

Il a duré 3 heures et m’a tenu en haleine tout le long. A plusieurs moments, ne sachant pas la fin, je me disais c’est quand même énorme et exagéré ce personnage immoral de mère.
J’ai vraiment adoré ! J’ai été très émue. Le passage entre elle demandant de l’aide à ses parents eux-mêmes pris entre amour et devoir. Vraiment j’avais la gorge serrée.
Le passage final des explications et de l’agonie de Tamate `tait même assez dur a soutenir. On la voyait souffrir (je sais c’est une marionnette, mais c’est ça qui est fou !). J’ai même détourné les yeux au moment ou elle s’enfonçait a nouveau l’épée pour s’achever. Elle a mis bien longtemps a nourrir !

L’émotion que l’on ressent provient de la combinaison de l’histoire, de ces marionnettes qu’on finit par trouver vivantes et de la voix incroyable du narrateur, ses pleurs.
Les chanteurs avant de commencer saluent toujours le livre. Ils ont une énergie incroyable et un souffle ! Ils tiennent les voyelles jusqu’au bout.
Celui qui a pris en charge le a plus grande partie du récit et surtout la plus impressionnante (l’apogée et le dénouement) était un vieux monsieur d’au moins 70 ans !
La manipulation des marionnettes se fait tout en souplesse et précision. Elles passent avec une fluidité absolue de la position assise a genoux puis a debout.
Des passages très bien réalisés et rigolos : la bagarre des deux femmes qui se tirent les cheveux, se montent dessus, s’étranglent…Une autre bagarre entre deux hommes : l’un soulève l’autre par les cheveux, ce dernier se débat dans le vide puis est envoyé valdinguer dans l’étang ou il se noie.

A un moment il y a sur scène 24 formes humaines (6 marionnettes et 3 manipulateurs chacune).



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Une des salle du Theatre National
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Pause bento entre 2 actes de Bunraku

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