MADE DJIMAT (Panti Pusaka Budaya)
A moins d’une heure en moto de Denpasar , à cote d’Ubud, se trouve le village de Batuan dans Sukawati. C’est la qu’on a rendez-vous avec le grand maître Made Djimat. On a peu de temps car il part dans quelques heures pour le Quatar ou avec son groupe ils vont faire partie du grand spectacle en l’honneur des Asian Games ( sorte de jeux olympiques pour l’Asie et le Moyen Orient). Ils y resteront un mois.
Il nous reçoit au sortir de sa sieste, sur une paillasse, dans l’enceinte de sa fondation : Tri Pusaka Cakti.
C’est un lieu très beau et simple. Une grande scène en plein air occupe le centre et sur le cote, il y a deux petites scènes recouvertes d’un haut vent ou sont dispenses les cours de danses pour les jeunes filles 3 fois par semaines.
Pouvez- vous nous présente votre groupe?
J’ai crée le Panti Pusaka Budaya le 25 décembre 1974, ça fait donc 32 ans. Et d’année en année le groupe s’agrandit. Nous sommes 40 aujourd’hui, entre 9 et 62 ans (les enfants qui participent à certaines représentations).
Comment etes- vous devenu comédien ?
Depuis tout petit je suis comédien. Je regardais mon père et ma mère (comédiens eux aussi), je les suivais. Et à 4 ans j’ai compris le fonctionnement. Comment ? Peut- être car je suis ne dans l’art.
Donc quand j’ai eu 4 ans et demi, j’ai commence a jouer, sans avoir rien appris, juste en ayant regarde !
C’est a 5 ans que j’ai commence a étudier les danses, a répéter tous les jours, jusqu'à aujourd’hui.
J’ai crée ce groupe parce que j’adore ça ! Tu sais, j’ai acheté les instruments, les costumes. J’ai emprunte a la banque. J’ai dit à des amis que je voulais monter un groupe comme cela ; je leur ai dit de me rejoindre.
Les gens qui rejoignent mon groupe étudient d' abord avec moi.
Combien de temps consacrez vous a votre art ?
Quand je ne joue pas, je répète tous les jours. Avec le groupe on répète deux fois par semaine car on joue dans les villages et aussi pour les cérémonies. On répète sur la scène derrière.
J’adore jouer !
Pour être un bon acteur il faut d’abord maîtriser perfectement les chorégraphies de bases, c’est très technique. J’ai commence cet apprentissage avec mes parents. Mais quand on veut devenir un grand danseur / acteur il faut étudier 20 ans. Tu dois toujours penser théâtre, danse. Il n’y a que ça.
Quelles formes représentez-vous et a quelles occasions ?
Nous représentons différentes formes traditionnelles balinaises : du topeng (jeu masque), du Calonarong, du Gambuh.
On connaît les histoires grâce au livre et grâce a l’héritage qu’on a reçu de nos parents et même arrière grands parents.
Nous jouons pour les cérémonies dans les temples : tous les 15 jours il y a Kliwon ,tous les 30 jours il y a celle de la pleine lune et celle de la lune noire. Il y a aussi les grandes cérémonies qui ont lieu une fois par an ou moins.
C’est pour ces grandes cérémonies que l’on représente des formes très traditionnelles comme le Gambuh.
Le Calonarong on le représente souvent lors des cérémonies funéraires.
Il y a une grande cérémonie dans notre village de Batuan qui commence après demain et qui dure 4 jours.
Votre groupe participe a la mise en valeur du patrimoine traditionnel balinais, à sa conservation. Le gouvernement vous soutient-il financièrement ?
Jamais. Il faut que je trouve de l’argent moi-même. Ce n’est pas comme en Europe ou l’Etat aide les compagnies (Italie, Allemagne, France).
Je dois aller dans les villages, dans les temples, épargner. Et quand je n’ai plus d’argent, j’emprunte a la banque.Quand je vais a l’étranger, je gagne un peu d’argent et je rembourse la banque. C’est toujours comme ça
Votre compagnie est célèbre. Voyagez- vous beaucoup ?
Oui. J’ai quitte Bali 42 fois. Je suis peut- être allé 20 fois en France. (Il a notamment joue au Theatre du Soleil, dan le cadre du Festival de l’Imaginaire en 2005). D’ailleurs, j’y suis reste 10 mois : tous les vendredi, je jouais pour l’ambassade.
Ici à Bali etes-vous paye pour les représentations ?
Oui, les gens payent dans les temples (donations qui sont reparties). Pour les danses traditionnelles on est paye. Pas beaucoup mais assez pour vivre a Bali.
Avez- vous besoin d’avoir un autre travail a cote ?
Non. J’ai toujours été acteur, c’est mon métier. J’enseigne aussi aux plus jeunes. Il y a aussi des étrangers qui viennent étudier avec moi. Dans mon groupe, les gens ont un autre travail : il y en a qui sont coiffeurs, un autre qui fabrique les masques.
Je suis le seul à faire que ça
Avant d’entrer sur scène avez- vous une façon particulière de vous concentrer ?
Oui. On a un spécial Dieu pour les arts : le fils de Siwa (comme Krisna en Inde), Sumara Rati . On lui fait des offrandes, on lui demande que tout se passe bien. Chaque danseur fait ça Quand on se déplace a l’étranger ont fait aussi ces cérémonies, on apporte l’encens et les offrandes car Dieu est partout.
Made Djimat s’excuse alors, il doit y aller car il doit prier et rejoindre son groupe pour les offrandes. Ils demandent à Dieu que le voyage en avion se passe bien.
NYOMAN TERIMA
Il et comedien danseur dans le groupe Panti Pusaka Budaya . C' est le fils de Made Djimat.
Qu’est-ce que le théâtre représente pour toi à Bali ?
Le théâtre pour nous ce n’est pas simplement une danse. Le théâtre c’est transformer la vie d’une communauté en histoire. La durée d’une représentation ne peut pas être fixe, elle dépend des réactions du public. C’est vraiment un moment de liberté. Tant que le public est très attentif et participe, le spectacle va durer. Ca peut durer très longtemps.Ca peut commencer a 20h45 et ne se terminer qu’a l’aube car il commence a faire jour !
Mais ces longs spectacles étaient quand meme plus courants dans le passe.Maintenant c’est plus court, car il faut aller travailler le matin.
Le théâtre balinais est de plus en plus bon, professionnel. Aussi au niveau de l’inspiration des comédiens. Parce que dans le théâtre balinais il n’y a rien de fige. On s’inspire des autres cultures ( Japon, …). Par exemple avec la forme traditionnelle du Gambuh, qui est la mère des arts balinais, il y a un groupe qui a utilise l’histoire de Macbeth.
C’est pourquoi pour moi le théâtre balinais est très flexible.
Peux-tu nous expliquer quelles sont les formes traditionnelles de théâtre à Bali ?
Il y a le Topeng c’est une forme qui complète la cérémonie. A chaque grande cérémonie il y a du topeng ( un comédien avec des masques) et des marionnettes mais pas avec les ombres.Ici a Bali nous avons 3 Dieux :Brahma (le créateur), Vishnu (le protecteur) et Siwa (le destructeur). Le Topeng est la manifestation de Brahma et le wayang kulit (marionnettes) celle de Vishnu.
L’histoire du topeng change, ça dépend du danseur.
Il y a le Gambuh qui est la plus anciennes des formes et dont beaucoup d’autres formes, comme le Calonarong, découlent.
Le Gambuh raconte l’histoire d’un prince du royaume de Java, Jingala. Il y a une princesse qui a été vol par un autre roi. Mai sa famille pense qu’elle a été kidnappée par des démons. Le prince Panji cherche la princesse. Il y a beaucoup de combat. Ils finissent par se retrouver en Malaisie.
Les comédiens danseurs au plus profond d’eux jouent pour les dieux.Meme s’il n’y a pas d’audience, ce n’est pas grave. C’est pourquoi on ne fait pas attention au public.
Quelles sont les cérémonies pour lesquelles il y a des représentations ?
Il y a cinq sortes de cérémonie a Bali : une pour les Dieux, une pour nos ancêtres decedes, la troisième pour les guides (les prêtres), la quatrième pour nous, les humains et la cinquième pour les mauvais esprits.
Gambuh est normalement représente lors des cérémonies des Dieux ou pour les cérémonies funéraires ou pour le mariage des rois. Mais ça ne veut pas dire que des gens normaux n’ont pas le droit d’avoir du Gambuh à leur mariage. En fait c’est surtout une question de moyens financiers, une cérémonie sans Gambuh coûte déjà très cher.
Quel est le genre de public qui assiste aux représentations ?
Tout le monde peut venir assister aux représentations. Mais quand elles ont lieu dans les temples il faut que les gens respectent les traditions hindoues, a savoir le sarong, la ceinture et la coiffe pour les hommes.
Le Gambuh est une forme particulière qui n’est pas représentée juste pour divertir, le lien avec le sacre est très important. Il y a d’autres formes qui sont juste des divertissements, par exemple le théâtre qu’on appelle Bondras ,on est la pour rigoler les gens sont plus « relaxes », ils boivent.
Comment pouvez-vous rallonger un spectacle en fonction de la réaction du public, il n’y a pas de texte écrit, vous improvisez des moments danses ou des moments de dialogues ?
On appelle genre de théâtre le drama thari (théâtre- danse). Certain passage joue sont écrits et fixes mais la plupart des dialogues ou monologues sont des improvisations a partir de l’histoire qui est fixe.Pour les passages danses, près de 80 % sont fixes et 20 % sont improvises. C’est donc grâce aux moments de liberté et d’improvisation qu’on peut modifier la durée d’un spectacle.
Combien y a-t-il de personnages dans une histoire de Gambuh ?
Une douzaine de personnages. Mais un personnage, par exemple la Princesse ou la servante, peut être joue par 4 comédiens. Les ministres du Princes également sont 4 mais ils représentent un seul et même personnage.
Et qu’est-ce que la Calonarong ?
C’est une forme qui dérive du Gambuh. L’histoire se passe à Java. On présente comment les bons esprits vainquent toujours des mauvais a la fin.Il y a le personnage de Calonarong, le démon et le prince. Il y a une bataille entre eux.
Chaque mouvement est tres precis, codifie?
En effet Il y a des mouvements précis des yeux dans la danse balinaise le yeledet. Chaque mouvement ds le théâtre balinais à un nom ; mouvement des mains , des pieds, des yeux. Quand on apprend à danser le professeur dit les noms de mouvements et les élèves exécutent. Pendant l’entraînement le professeur ne montre pas le mouvement il le nomme juste. Il y a enormement de mouvements, je ne saurais pas dire combien. Il faut tous les connaître et connaître leur nom. Il existe une encyclopédie des mouvements !
Les costumes des personnages sont ils toujours les mêmes ? Les couleurs ont- elles une signification particuliere ?
Non les couleurs n’ont pas de significations particulières, leur choix est libre. Par contre pour le Gambuh, le Calonarong, le Legong chaque personnage a un costume bien spécifique. Le modèle doit être respecte car il permet au public d’identifier le personnage.
Et que penses-tu du théâtre moderne à Bali ?
Il y a maintenant beaucoup de théâtre moderne. Je ne ressens pas d’envie particulière de faire du théâtre moderne. Enfin peut être juste pour essayer. J’en ai fait un peu avec des amis a l’ecole.Mais ce n’est pas la même chose que le drama thari .Le théâtre moderne je pense que c’est le même qu’en Europe , les choses doivent être fixées une fois pour toutes. On ne peut pas progresser a l’intérieur, improviser.Nous on peut improviser a 60 %. Je sais pas trop comment c’est dans le moderne mais je ne crois pas qu’il y ai autant de liberte.Car sinon les partenaires pourraient être perdus.
Donc si l’improvisation occupe une part si importante dans le théâtre traditionnel, ça exige une grande qualité d’écoute des comédiens entre eux ?
Exactement. Et on ne joue jamais la même histoire, chaque jour c’est différent ! Même pour le Topeng les personnages ont le même modèle mais même s’ils sont interpretes par le interprètes comédien ça ne sera jamais pareil
Que connais-tu du théâtre européen ?
Je connais le théâtre du soleil, j’ai des amis la bas. Je connais des comédiens aux Pays Bas mais ça remonte à 14 ans et on est plus en contact ! En France je connais Serge Poncelet, je crois qu’il fait de théâtre avec des masques.
Si un comédien français veut venir jouer a Bali, peut il intégrer un groupe traditionnel?
Ca dépend du talent de la personne. Il y a beaucoup d’acteurs étrangers qui viennent faire des collaborations à Bali. Si une personne a appris les danses (c’est très long !), les basiques, il peut rejoindre un groupe de théâtre traditionnel balinais il n’y a pas d’interdiction ou de conditions de religion.Il faut juste qu’il le veule, qu’il soit heureux,
As-tu un message à faire passer aux comédiens français ?
J’espère pour tous les acteurs du monde qu il n y ait pas de distance entre nous. J’espère que le théâtre puisse amener la paix dans le monde. Je ne sais pas exactement comment est le théâtre dans le monde mais ici a Bali on est ouvert a travailler avec qui veut a partir du moment que les gens le veulent et sont heureux de le faire.