Dans tout le théâtre (dansé) balinais, la règle est la dépersonnalisation de l’acteur. Sa personne ne doit absolument pas transparaître, il doit savoir être absent, ou vide, pour laisser entrer l’Autre : l’ancêtre ou l’archétype, le modèle positif ou négatif. Ce dernier (roi, ministre, prêtre, valet, sujet, touriste...) doit sembler identique quel que soit l’acteur, avec la même voix, les mêmes intonations, la même langue, le même chant, la même gestuelle et bien sûr la même costume et la même coiffe.
Dans le théâtre et la danse non masqués, le travail d’acteur est le même (d’ailleurs on apprend les danses masquées sans porter les masques).
En somme c’est tout le théâtre et toute la danse balinaise qui sont " masqués ", qu’il y ait ou non port de masques matérialisés. Parce que ce que nous appelons danse ou théâtre et qui est une seule et même chose dans les traditions classiques (de cour) à Bali, c’est solah, qui veut dire " comportement " (plutôt que seulement igel, le mouvement dansé), c’est-à-dire qu’un autre vient et agit par le corps de l’acteur.
Qui sait s’oublier et se donner n’a pas besoin de masque.
GAMBUH
Le gambuh est l’expression la plus ancienne du théâtre balinais, ou comme m’expliquera Terima, c’est « the mother of art ». C'est de lui que dérivent tous les autres drames danses. Il naît au 17eme siècle dans les Cours de Java oriental, à une époque ou celles-ci influençaient fortement la culture balinaise.
C’est un drame rituel qui est parfois encore joué pour les dieux dans les temples ou lors des crémations.
C’est ce qu’on appelle un « drame dansé », il met en scène un grand classique de la littérature balinaise, les aventures du Prince Panji. Les comédiens interprètent cette histoire en dansant (empruntant les danses très codifiées balinaises : le legong, danse de temple ; et le baris, danse guerrière pour les hommes), en chantant et en parlant (jeu dramatique).
Ils sont accompagnés par un gamelan, ensemble musical compose de longues et épaisses flûtes de bambou, de tambours, un petit gong, des cymbales et d’autres percussions métalliques (un instrument ressemble a un alignement de couvercles de soupières !)
L’espace scénique est toujours restreint et le décor, minimaliste, consiste en une simple porte de temple par laquelle le danseur entre et sort de scène. Cela est dû au fait que le Gambuh, généralement présenté lors de fêtes de temple, est joué dans ou à proximité du temple. Le décor est parfois enrichi d’une pergola de feuilles de palme tressées, de bannières et de parasols de cérémonie dorés encadrant la porte.
Certains spectateurs balinais peuvent éclater de rire et se réjouir des traits d’esprit et des boutades des serviteurs, qui traduisent ou paraphrasent la poésie et la prose du kawi. D’autres, se contentent en revanche de ne reconnaître que quelques personnages, car ils manquent d’une véritable connaissance historique.
L’occupation néerlandaise de Bali s’est étendue sur plusieurs décennies qui ont été marquées par de violents épisodes, de 1846 jusqu’au milieu du XXème siècle. Quand le dernier et le plus exalté des royaumes tombe en 1908, l’éclat des cours royales disparaît aux yeux de la population balinaise. En conséquence, le Gambuh perd de sa popularité et les représentations se raréfient. Aujourd’hui le Gambuh, vestige du patronage royal, survit uniquement dans quelques villages. Chaque village se distingue par un style particulier, tels les Gambuh de Batuan (Gianyar), de Pedungan (Badung)>.
Pour le public occidental habitué à une délimitation précise entre la danse et le théâtre, le Gambuh confronte le spectateur à une forme de langage insolite. L’essence de cette forme artistique splendide n’est ni dans l’évolution d’une trame, ni dans la narration d’une histoire, mais dans la présentation successive de personnages, précédés et accompagnés de leurs serviteurs. Ces derniers traduisent les dialogues, formulés en javanais littéraire archaïque (nommé kawi), dans la langue comprise par les spectateurs balinais d’aujourd’hui.
Contrairement aux autres formes de danse balinaise, le danseur suit la musique. Les personnages nobles chantent en kawi, une langue que parfois les interprètes eux-mêmes ne comprennent pas et qui, en accord avec la tradition orale, a été transmise à travers les âges par les prêtres et les érudits balinais. Cette langue a été fixée sur des lontar (manuscrits en feuille de palme).
Ainsi les vieux spectateurs balinais sont généralement assez familiers avec certains, voire tous les personnages
Les personnages du Gambuh sont des archétypes. Toute princesse de tout épisode est toujours "La Princesse" ou "Raja putri", et dans n’importe quel épisode elle porte la même coiffe et le même costume, ses mouvements et sa chorégraphie sont toujours les mêmes et elle est toujours accompagnée par la même musique.
CALONARONG (prononce chalonarang)
C’est un drame dansé qui découle donc du Gambuh. Il a pris sa forme actuelle au 19 eme siècle, avant il consistait en combats de magie se déroulant au croisement de chemin, la nuit.
Il s’inspire des grands mythes de Bali, consignés dans des manuscrits du 16eme siècle.
L'histoire: Calonarong est une veuve à la réputation de sorcière. Elle parvient à marier sa fille au beau roi Erlanga. Mais lorsque le stratagème est révèlé, le peuple, choqué par cette union du Mal et du Bien, se soulève. Erlanga envoie une ambassade auprès de Calonarong. Celle- ci, furieuse d’avoir été démasquée, fait crevée les yeux des ambassadeurs du roi et se transforme en démone, la fameuse Rangda. Les soldats et villageois essayent de la combattre mais elle leur jette un sort et retournent leurs armes contre eux. Seul le Barong, animal sacré, protecteur des villages, parvient a vaincre- mais pour un temps seulement- cette démone.
Traditionnellement le Calonarong est représenté pendant les périodes du calendrier balinais réputées néfastes ou lors d’épidémie ou de famines : il a valeur d’exorcisme.
La danse combine les mouvements raffinés de la danse de temples avec de violentes scène de transes collective.
L’orchestre est en général un gong kebyar compose de métallophones a lames, d’ensembles de petits gongs, de gongs couches ou suspendus, de flûtes en bambou et de tambours.
WAYANG KULIT
Théâtre d’ombre . Les marionnettes sont finement taillées dans du cuir et leurs ombres sont projetées sur une toile blanche grâce à la présence d’une flamme derrière elles.
Elles sont peintes des deux cotés meme si ces couleurs sont rarement vues par le public. C’est pour les Dieux et aussi pour permettre leur identification par le dalang rapidement. Elles ont des bras et des jambes articulés et sont fixées a un fin baton en bois qui permait de les tenir.
Les spectacles ont lieux en plein air, devant les maisons.
Le marionnettiste, le dalang, qui est aussi conteur est accompagne par un gamelan ( ensemble musical).
Les récits sont tires du Ramayan a, des aventures du Prince Panji, ou du Mahabarata mais pendant les intermèdes il peut aussi faire la propagande d’un candidat aux élections, de la vaccination contre le cholera ou du planning familial. Ces formes sont en prises avec l’actualité et sont donc très prisées.
Une specificite des marionnettes balinaises repose dans le fait que la plupart des histoires font appel a 4 clowns appeles « panasar ».Ces clowns, Twalen et son fils Merdah et les freres Melem et Sangut, divertissent et traduisent les discours des personnages les plus eleves ( dont la langue n’est plus comprise par le public). Ils sont imposants avec un gros nez, un gros ventre et un gros menton.
Les spectacles sont gratuits et le dalang se voit en général offrir une compensation, soit en argent, soit en vêtements, soit en nourriture.
On est dalang en general de pere en fils et meme fille ! Les parents apprennent aux enfants, qui a leur tour perpetuent la tradition. L’art du wayang Kulit est consideré comme l’un des arts balinais les plus durs a maitriser> L’apprentissage peut durer 30 ans pour les meilleurs et necessite une bonne connaissance de 9 langues diferentes, de plusieurs textes hindous et une habilité a fabriquer, manipuler et connaître environ 200 marionnettes qui interviennent dans une palette basique de 100 histoires.
Le spectacle dure en general 3 heures , commence une fois la nuit tombee.
LA DANSE DES GRENOUILLES (KODOK DANCE)
L’histoire, représente dans son intégralité, dure plusieurs heures et requiert une centaine de comédiens Elle met en scène les dieux, et des situations de loyauté, persévérance, courage qui aboutissent au triomphe des forces du bien, de l’amour. Il y a également les transformations qui sont pressentes dans chaque grand mythe.
Ex : Le Roi Raden Indu va dans la foret, à la recherche de quelque chose à manger car la situation est mauvaise et il meurt de faim. La seule chose qu íl trouve sont des libellules, ce qui n’est pas la nourriture normal d’un roi.
Le Dieu Siwa voit le roi chasser les libellules et est très ennuyé « c’est de la nourriture pour les grenouilles pas pour les rois »se dit-il en transformant le roi en grenouille. Puis Siwa s’en va, oubliant le roi et son malheureux sort.
Le pauvre roi, maintenant grenouille, se rappelle qu’en tant qu’homme il était promis à la princesse Raden Galuh. Il est très triste car persuade que la princesse ne voudra pas d’une grenouille comme mari. Mais il a tord. Quand il rencontre la princesse dans la foret, celle-ci reconnaît la grenouille a ses gestes raffines et a sa gentillesse et accepte de devenir sa femme. Le Roi est reconnaissant mais se trouve trop moche pour elle. Il va donc voir Siwa pour lui demander de lui rendre sa forme humaine. Quand Siwa le voit, il essaye de le manger pensant que cést une grenouille. Il a totalement oublie qu’il a transforme le roi.. Tout d’un coup la memoire lui revient et il rend au roi sa forme initiale. Quand la princesse voit le roi, elle est choquee. Elle pensait aller se marier avec une grenouille et elle n’est pas sur que cet homme soit l’ancienne grenouille. Siwa arrive alors avec la tête de grenouille que le roi portait et la princesse est convaincue que l’homme qu’elle a devant elle est son vrai amour et elle se marrie avec lui.
TOPENG
Topeng veut dire masque. Le topeng désigne une forme théâtrale ou les acteurs portent des masques. Les personnages portent souvent le nom de Sumariani. Il y a des hommes, des femmes.
Ce spectacle est intimement lie à la vie spirituel d’une communauté. Il fait partie de nombreuses cérémonies. Un comédien met tour a tour différents masques. Le topeng est la manifestation du créateur.
Pour une cérémonie de famille ( une par an), un comédien de topeng est convié.
Il est accompagné par un gamelan.
A travers une série de masques, le Topèng met en scène des archétypes ancestraux, en l’occurrence la hiérarchie féodale. Les arguments du Topèng racontent les origines et l’histoire des grands clans et des lignages royaux de Bali. L’argument est en général choisi en relation avec le contexte de la représentation, notamment de la cérémonie en cours, par exemple : un mariage, une fête de temple, une crémation funéraire, un limage de dents (rite de passage, en principe à l’adolescence)... C. Basset
Des enjeux autres qu'artistiques
Le théâtre Topèng est autre chose qu’un art au sens où nous l’entendons en Occident, c’est-à-dire au sens d’objet valant pour sa seule esthétique. Il a non seulement une fonction rituelle, mais il fait aussi le portrait de la société et des idéologies.
Plus que toute autre forme théâtrale balinaise, le Topèng a été et reste le lieu d’enjeux de société (politiques, économiques et sociaux), le média où s’exposent et se revendiquent les statuts dans la hiérarchie sociale traditionnelle
Comment ça se passe ?
Comme dans tout le théâtre traditionnel balinais, non seulement l’identité précise des personnages représentés, mais les dialogues et l’action ne sont pas fixés ; les acteurs, qui ne répètent pas les pièces, choisissent un épisode et se répartissent les rôles (les masques) tout en se costumant et en consacrant les offrandes aux masques (ou plutôt à l’esprit qui leur donne vie).
La représentation est improvisée selon des stéréotypes de mise en scène.
En la matière, les metteurs en scène sont les acteurs qui tiennent les rôles des valets, qui règlent les entrées des autres personnages par des formules d’invite lancées depuis la scène (par exemple : " Notre roi est prêt, allons l’accueillir ", ou " J’entends venir quelqu’un... "). Plus encore, et cela dans tout le théâtre traditionnel, les valets sont les médiateurs des nobles, dont ils traduisent les messages en balinais courant, car les héros de la littérature soit sont muets et font seulement mine de mimer un discours, soit s’expriment en langue littéraire (javanais ancien) incomprise de la majorité du public balinais- comme si notre théâtre était en latin, traduit en français par des rôles de domestiques .
La République se sert aussi des penasar pour faire passer ses consignes (comme la régulation des naissances ou la tolérance religieuse) ou sa propagande politique, et les sponsors commerciaux leur publicité. Mais en temps de troubles, par la voix des penasar peut passer un peu de critique sociale ou politique, sous les allures joviales du bon sens populaire. C. Basset
Deux formes et deux contextes de representation
Le Topèng peut être de fonction rituelle ou servir de divertissement.
Dans le premier cas, il est généralement donné en contrepoint de l’office du grand prêtre et est souvent interprété par un seul acteur, qui change de masque à vue.
Cf. spectacle
Le Topèng de divertissement s' adapte lui aussi au nombre d’acteurs présents, trois à cinq, voire plus. Sans Sida Karya et sans lien à un rite, il présente une histoire complète dans une durée libre. Le comique y prend une plus grande place qu’au cours des rituels où l’assistance n’est pas censée prêter une attention particulière à la représentation... et même s’en désintéresse souvent ostensiblement, alors que les mêmes personnes reviendront le soir voir le Topeng de divertissement, quitte même à payer leurs places. Assises
WAYANG WONG
Drame danse faisant intervenir des créatures magiques, des rois.
Les costumes sont époustouflants et les masques représentent des barongs ( animal sacre protecteur), des singes…
Le jeu dramatique alterne avec des passages danses ( souvent ces combats), des moments chantes. Un gamelan accompagne les comédiens