Alexandre Mate
Alexandre Mate est chercheur, professeur de théâtre a l’Université et est à l’origine de la création des « annuaires de théâtres de groupes de la ville de Sao Paulo ».
Ces annuaires sont la mémoire de la programmation théâtrale passée, ils présentent les compagnies de la ville, leurs objectifs, leurs projets. Un formidable outil pour moi !
Peux-tu te présenter ?
Je suis avant tout professeur de théâtre à l’UNESPI, l’université publique de l’Etat de Sao Paulo. J’enseigne l’histoire et la théorie théâtrale. Je suis également chercheur dans différents domaines ayant avoir avec le langage théâtral : en tant que metteur en scène, assistance esthétique, travail communautaire…
Je n’interviens pas beaucoup dans le théâtre professionnel. Ce n’est pas ce qui m’intéresse.
Comment t’est tu dirigé vers le théâtre ?
Je suis venu au théâtre grâce a une professeur de portugais.L’enseignement du théâtre est quelque chose d’assez récent au Brésil. En 1968 il y a eu un coup d’état militaire. A cette époque furent créés les accords MEC- USAID entre le Brésil et l’Amérique du Nord. Ces accords changèrent la structure universitaire créèrent la formation pour devenir professeurs d’éducation artistique( arts plastique, musique et théâtre). En 1980 apparurent les premières traduction de livres pédagogique liés au théâtre Avant cela c’était les professeurs de portugais qui travaillaient avec la langue théâtrale
A l’Université nous n’étions pas assez pour ouvrir une classe de théâtre, j’ai donc fait art plastique mais lié au langage théâtral.
Au même moment j’étais impliqué politiquement. Le théâtre m’a intéressé pour faire un travail communautaire dont l’objectif est de promouvoir la sensibilisation des gens à l’art. Le dernier travail de ce genre que j’ai fait a eu lieu dans une ville a coté de Sao Paulo, il s’agissait d’atelier pour les enfants, les adolescents, le 3ème age,les enfants malentendants etc…
En ce moment je travaille dans une école : Ecole libre de Saint André .Une école gratuite, très respectée. Tous les étudiants y sont noirs. Car les noirs au Brésil ne peuvent pas étudier le théâtre car il n’y a pas d’école publique pour ceux qui travaillent. Les universités au Brésil sont élitistes, les pauvres n`y entrent pas car ils ont besoin de travailler la journée pour vivre.
Et comment définirai tu aujourd’hui le théâtre de Sao Paulo ?
Le théâtre de Sao Paulo n’existe pas en tant que généralité; il existe différentes tendances.Il y a :
- le théâtre populaire : quasiment inconnu.
Ex : TUOV a Sao Paulo et Ta na Rua dirigé par Amir Haddad, à Rio.
- il y a l’ « esthétisme français », à la Jacques Copeau. C’est un théâtre qui est visuellement impeccable, l’interprétation y est réaliste et les textes sont classiques.C’est la perfection.
C’est le théâtre que va voir la bourgeoisie.On peut l’assimiler a la Comédie française.
Le groupe TAPA, dirigé par Eduardo Torentino, représente cette tendance.
- il y a le « théâtre épique » : théâtre brechtien, théâtre de gauche.
Ca a commencé en 1958 avec le théâtre Arena ( fondé par José Renato), qui développe une programmation au propos de gauche.
En 1961, il y a eu une scission et un autre groupe s’est créé, à Rio, le CPC ( Centres Populaires de Culture) avec pour leader Odwaldo Vianna Filho.
Le CPC existe toujours mais l’engagement politique qui faisait sa caractéristique a disparu.
- il y a enfin la tendance d’avant- garde : ici c’est José Celso Martinez Corréa ( Zé Celso) qui en est le plus grand représentant. Son groupe, le Théâtre Oficina a été créé en 1968
Avec Antunes Filho ce sont les 2 plus grands metteurs en scène brésiliens.
Le théâtre populaire et le théâtre épique sont dénigrés. Les gens qui analysent les années 80 ou il y a eu une succession de coups militaires et de fausses démocraties disent que ce furent des années mortes au niveau théâtral. Mais ils parlent d’une production élitiste. Car ils ne vont pas dans la « périphérie » ( banlieue, quartier plus pauvre) et ne connaissent donc pas le théâtre populaire.
A cette époque la bourgeoisie s’amuse en allant voir des pièces de Gerald Thomas (des images et pas de texte) ou de Miguel Falabella (que des clichés sur les pauvres noirs, les homosexuels…).
César Vieira ( alias Ibibal Piveto) est le fondateur du TUOV (Theatre union et œil vif), ce groupe est populaire et a été fondé en 1966 et a résisté jusqu'à aujourd’hui. C’est un des rares groupes qui existe depuis si longtemps. Ils jouent a Sao Paulo en se faisant payer puis vont jouer gratuitement dans la périphérie. Et bien cela a beau être un groupe extrêmement primé en dix ans il n’a eu que 4 articles dans le journal de Sao Paulo, car il est populaire !
Qu’est ce que vous appelez théâtre populaire ?
Tu connais Michel Certeau ? C’est un français merveilleux, il a défini le « populaire »d’une manière très intéressante : il y a doit y avoir une accessiilité :
- géographique
- de contenu ( thème)
- d’ interprétation : par exemple il n’y a pas de 4ème mur, si le public parle au comédien celui-ci répond…
- de relation au public
Est-ce dur de faire du théâtre ? Existe-t-il des aides ?
La production théâtrale de Sao Paulo connaît un progression en qualité très importante car grâce a un mouvement des artistes un nouveau projet a vu le jour: Programme du Fomento (encouragement) pour l’activité théâtrale de la ville de Sao Paulo. 9 millions de reais par an sont distribués pour les groupes de théatre.C’est encore peu mais c’est l’unique état au Brésil qui a cette loi.
La totalité des gens qui font du théâtre au Brésil le font la nuit et le week end car ils travaillent le jour. On ne peut pas vivre au Brésil du théâtre
Les lois de Incentivo (d’incitation) fédérales n’apportent de l’argent qu’aux monstres sacrés : des gens qui ont déjà beaucoup de prestige, beaucoup d’argent et qui n’en auraient pas besoin.
Il existe une loi fédérale appelée Loi Roané : les entreprises ne payent pas un pourcentage d’impôt et a la place donne cet argent a un Fond pour la culture. Mais du coup cet argent va a la Fondation Bradesco, Fondation Itau etc…C’est une horreur ! L’argent ne va pas aux artistes !
Actuellement Sao Paulo a un panorama théâtral très riche et diversifié. Ce n’est pas possible de tout voir. Y en a trop ! Et tout est fait avec beaucoup de sacrifices.
Quels sont les dramaturges brésiliens que tu préfères?
Odwaldo Vianna Filho qui a écrit en 1954 Rasga coracao . Elle a été censurée pendant 6 ans car elle parle de 3 moments durs de l’histoire brésilienne (dictature, coups militaires…)
Jorge Andrade qui est pour le Brésil aussi important que Tchekhov pour la Russie.
Luis Alberto de Abreu qui a commencé à écrire dans les années 80 et qui est l’un des auteurs les plus primés du Brésil. Il fait du théâtre populaire et du théâtre épique.
Ariano Suassuna, qui fait du théâtre populaire, du Nordeste, religieux
Plinio Marcos.